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OK, imagine que Bâton Rouge ait choisi de ressembler encore plus à Hot Snakes et qu'il ne se soit pas tout à fait détaché de Daïtro : vous obtenez À La Dérive, un excellent groupe emo-punk fondé par deux ex-Aghast, qui ont visiblement conservé le goût du riff et de la colère, pour proposer 7 titres explosifs et catchy au possible, sans pour autant être de simples machines à headbang, car il est également question de textes forts, relatant l'ennui qu'on vit chaque jour qui passe, le poids du travail, la nécessité de se battre, de prendre ce qui nous est dû, de retrouver le contrôle de nos cerveaux. Vraiment, achetez ce disque, c'est le meilleur investissement que tu pourras faire au moment où tu liras ces lignes, et c'est nécéssaire pour ton esprit et tes oreilles. "DEBOUT LES MORTS !".



  SUPERFLUX (juillet 2016)

« ...Même si nos convictions, nos luttes, se fracassent constamment sur la réalité de nos quotidiens orientés vers nos petits conforts et ce besoin irréductible de posséder, on essaiera de faire en sorte de tomber le moins possible dans l'emprisonnement des modèles qu'on nous tend ...»
AccueilUn saut de dix ans en arrière pour moi tellement le plaisir était au rendez-vous. Une capsule temporelle qui nous ramène à une époque où l'on commandait nos disques avec un petit chèque dans l'excellente distro de Phil, Burn out. Phil nous concoctait sa sélection, savant mélange de disques étrangers et français, avec une petite description toujours enjouée, qui sentait bon la passion. C'est grâce à lui que l'on s'est forgé une petite culture hardcore/screamo/alternative et que l'on a découvert tout un pan de la musique qui continue aujourd'hui à nous enthousiasmer. C'est à ce moment-là qu'on découvrait Aghast, formation tarbaise si mes souvenirs sont bons.
On retrouve aujourd'hui deux ex Aghast et un Chestnud Road dans A la dérive, formation étiquetée toulousaine. Retrouver des « amis » dix ans plus tard, quand on se sentait aussi proches d'eux artistiquement, musicalement voire intellectuellement, c'est autant un immense plaisir qu'un réel défi. On pourrait avoir peur qu'ils aient changé, ou pire, voir en leur immobilisme notre propre changement, image renvoyée à la figure qui nous ferait admettre que nous nous sommes perdus en cours de route. Bienheureusement, Les états stationnaires est un réel élixir de jouvence, qui nous montre que deux amis peuvent évoluer en parallèle sans trop d'interactions et vivre des choses similaires pour se retrouver grandis, blessés, mais toujours proches.

A la dérive incarne un réel savoir faire à la française sur tous les pans de sa création. Musicalement, le groupe oscille dans un emo/punk héritier de plus d'une décade de formations hardcore françaises (eux même y compris donc) qui ont usé leurs souliers dans des tournées fleuves, qui ont usé leur santé à la recherche de moyens de financer leurs galettes, qui ont usé leur voix de manière poétique à faire entendre leur constat désabusé sur le monde. Une décade de DIY (do it yourself) à découper des inserts au cutter, à travailler en communauté avec des assos, des petites structures, des graphistes, dans le but de nous livrer ces magnifiques objets perlé de sueur. Une décade à allier travail salarié parfois aliénant et passion derrière, à composer et tourner sur leurs propres congés.
A la fois fer de lance et héritier de tout un pan de la culture souterraine dans leur façon de faire, mais aussi dans leur façon d'écrire et de composer, à la dérive déroule ses sept morceaux en mode tube sur tube, énergie électrique, gaieté nonchalante et paroles coups de poing (« rien ne dissipe l'invisible main » , « explore-les à côtés/émets des hypothèses ») entre voix claire/voix  criée en mode école lyonnaise, Amanda woodward en tête.
Ils sont peu les rescapés. Peu ont survécu en vieillissant au rythme de vie érigé en art de vivre du DIY. Beaucoup ont continué à soutenir la scène tout en la délaissant, d'autres se sont reconvertis. Certains vivent avec, et la font grandir en même temps qu'eux, la façonnent à grand coup d'épée nostalgique. A la dérive fait partie de ceux là, aux côtés d'ailleurs de peu d'autres formations françaises survivantes. On citera probablement Bâton rouge et 12XU, dans cette veine punkisante rétro et nouvelle, adultes décrété ados permanents, car trop au fait de la mocheté du quotidien .
« Ce n'est pas grand chose mais ce n'est pas rien ». Merci à eux de remplir le rien justement, et la vacuité de nos existences. Si vous êtes toulousains, ils seront ravis de vous retrouver quelque part, au détour d'un live ou d'une pinte pour vous ramener la galette en main propre pour un prix dérisoire.

Bertrand